lundi 27 février 2017

Foucault : Une économie du plaisir non normée sexuellement

Il y a un trait fondamental dans l'économie des plaisirs telle qu'elle fonctionne en Occident : c'est que le sexe lui sert d'intelligibilité et de mesure. Depuis des millénaires, on tend à faire croire que la loi de tout plaisir, c'est, secrètement au moins, le sexe : et que c'est cela qui justifie la nécessité de sa modération, et donne la possibilité de son contrôle.
Ces deux thèmes qu'au fond de tout plaisir il y a le sexe, et que la nature du sexe veut qu'il s'adonne et se limite à la procréation, ce ne sont pas des thèmes initialement chrétiens mais stoïciens ; et le christianisme a été obligé de les reprendre lorsqu'il a voulu s'intégrer aux structures étatiques de l'Empire Romain, dont le stoïcisme était la philosophie quasi universelle. Le sexe est devenu alors le code du plaisir.
En Occident ( au lieu que dans les sociétés dotées d'un art érotique, c'est l'intensification du plaisir qui tend à désexualiser le corps), c'est cette codification du plaisir par les lois du sexe  qui a donné lieu finalement à tout le dispositif de la sexualité. Et celui-ci nous fait croire que nous nous libérons quand nous décodons tout plaisir en terme de sexe enfin découvert. Alors qu'il faut tendre plutôt à une désexualisation, à une économie générale du plaisir qui ne soit pas sexuellement normée.

Michel Foucault, Non au Sexe Roi in Dits et Écrits II p.234

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